Histoire d'un dernier convoi, celui de
Toulouse
I.252. Les hommes partis de Toulouse le 30 juillet 1944
et arrivés au KL Buchenwald le 6 août 1944
Les femmes et les enfants partis de Toulouse le 30 juillet 1944
et arrivés au KL Ravensbrück le 7 août 1944
Source: Livre mémorial des déportés de
France/ Tome II, pages 1356-1357
Effectif recensé: |
1 088 hommes |
101 femmes |
Matricules extrêmes: |
Au KL Buchenwald:
68961 - 70000 et 73387 - 75426 |
Au KL Ravensbrück: 49581
- 49780 |
Situations: |
Evadés pendant le
transport: |
1 |
0,1% |
- |
- |
|
Décédés pendant le
transport: |
1 |
0,1% |
- |
- |
|
Décédés et disparus en
déportation: |
288 |
26,5% |
22 |
21,8% |
|
Rentrés de déportation : |
633 |
58,2% |
55 |
54,4% |
|
Situations non connues : |
165 |
15,1% |
24 |
23,8% |
Le train qui quitte la gare Raynald de Toulouse le dimanche
30 juillet 1944 emmène, dans des wagons à bestiaux, des hommes,
des femmes et des enfants, arrêté s par mesures de persécution
et de répression. Ils entament alors un voyage d’une semaine
jusqu’à Weimar.
La composition particulière de ce transport s’explique par les
circonstances même de sa formation. Il s’agit, en effet, d’un
transport d’évacuation de plusieurs centres d’internement de la
région de Toulouse, organisé par des Allemands cherchant alors à
quitter la ville face à la progression des troupes alliées.
Ainsi, l’administration française, sous la pression de
l’occupant, vide le 30 juillet le camp de
Saint-Sulpice-la-Pointe, situé dans le département du Tarn, à 30
kilomètres au nord-est de Toulouse, et lui remet ainsi des
centaines de personnes pour qu’elles soient déportées. Le même
jour, d’autres arrêtés de répression, des hommes et des femmes,
sont extraits par les Allemands de la prison Saint-Michel à
Toulouse et du camp de Noé (Haute-Garonne), où de nombreux
réfugiés espagnols ont été enfermés, pour être amenés à la gare Raynald. Ce vaste rassemblement de détenus touche également de
nombreux juifs internés, par familles entières, surtout à la
caserne Caffarelli.
La majorité des personnes de ce transport est donc originaire du
Sud-ouest et a été arrêtée dans les départements de cette
région. Le département où les arrestations sont parmi les plus
nombreuses est celui de la Haute-Garonne,
celles-ci concernant à la fois des familles juives, des réfugiés
espagnols et des résistants arrêtés sur dénonciation ou lors du
démantèlement de groupes (Francs-Tireurs et Partisans Français,
Corps-Franc Pommies, Armée Juive).
Mais des déporté s sont aussi arrêté s dans d’autres
départements de la zone Sud et ils arrivent notamment dans le
camp de Saint-Sulpice-la-Pointe du fait de la spécialisation des
centres d’internement français. Parmi eux, citons le cas de près
de 70 hommes originaires de la Savoie et de la Haute-Savoie. Ils
sont arrêtés en février et mars 1944, soit au cours de
démantèlements de groupes FTPF de la région, soit dans des
rafles de représailles, comme celle d’Annecy du 13 mars 1944.
Après quelques jours dans les prisons d’Annemasse ou d’Annecy,
tous sont conduits dans le département de la Haute-Garonne.
D’autres résistants FTPF sont arrêtés dans les Bouches-du-Rhône
et regroupé s au camp de Saint-Sulpice-la-Pointe. Dans ce même
département, le 4 janvier 1943, 25 personnes sont arrêté es par
représailles, à la suite de l’attentat du Splendid Hôtel à
Marseille. C’est donc dans la zone Sud que la très grande
majorité des arrestations a lieu ; alors que celles de zone Nord
concernent principalement des personnes classé es par les
autorité s de Vichy comme des interné s administratifs et placé
es en détention au camp de Saint-Sulpice-la-Pointe. Il s’agit
alors souvent de communistes, arrêtés dès 1939 et 1940. Presque
un cinquième des arrestations connues sont d’ailleurs
antérieures à 1943-1944, et concernent surtout ce type de
détenus4. Les arrestations en 1944 sont toutefois majoritaires,
notamment pour les juifs. L’imminence d’un débarquement allié ,
puis les dé faites enregistré es par les tro-upes allemandes,
amènent à une recrudescence des actions résistantes armé es.
Dans le département du Tarn, ce sont surtout des personnes ayant
un lien avec les maquis locaux qui sont appréhendé es peu de
temps avant le départ de ce train, de même que dans le
département de l’Ariège, où 4 femmes de la famille Amardeil sont
par exemple arrêté es à Loubens pour avoir hébergé des
maquisards. Dénoncé es pour leurs activité s, elles sont gardé
es comme otages par la Gestapo, jusqu’à ce qu’elles soient dé
porté es.
Au total, ils sont 1087 hommes et 101 femmes -certains étant
des enfants à quitter la gare de Toulouse en direction de
l’Allemagne ce 30 juillet 1944.
D’après une note sur ce transport émanant du Secours catholique
international, en date du 18 décembre 1944, le train (numéro
1681.01) parcourt l’itinéraire suivant : Toulouse, Sète,
Montpellier, Nîmes, Avignon, Orange, Valence,
Chalon-sur-Saône et Dijon, où la population civile ravitaille en
cachette les wagons qui sont à sa portée. Le train quitte le
département de la Côte-d’Or le 3 août pour celui de la
Haute-Marne. Des évasions ont lieu avant la gare de Chaumont. où
le train s'arrête a nouveau. Il repart ensuite vers Lunéville
(Meurthe-et-Moselle). Il arrive a la frontière du IIIe Reich le
4 août 1944 a midi. A partir de là, aucun arrêt significatif
n'est signalé avant la gare de Weimar, le dimanche 6 août, où
les hommes adultes descendent et sont transportés jusqu'au KL
Buchenwald. Les femmes et les enfants restent dans le train et
repartent jusqu'au KL Ravensbrück, où ils arrivent le lendemain.
Ils sont 1 080 a être immatricules au KL Buchenwald, sans suivre
un ordre alphabétique. Le plus jeune. Bertrand Herz, a quatorze
ans. Sur la liste de la statistique du camp, établie à l'arrivée
du transport ils sont tous classés comme des Politische
de différentes nationalités : alors que ce document se termine
par un rappel des matricules des juifs précédés d'une croix.
108 numéros de matricule sont attribués au KL Ravensbrück, aux
femmes comme aux enfants. Deux bébés ne sont âgés que de six
mois. Tous ces enfants restent donc avec leur mère et se votent
attribuer un numéro dans la même série.
Les hommes et les femmes se trouvant séparés, il faut dès lors
distinguer leurs parcours respectifs.
Si certains hommes immatriculés au KL Buchenwald. le 6 août
1944. restent au camp central jusqu'à la libération, le 11 avril
1945. beaucoup sont emmenés très rapidement dans des Kommandos
de travail. Ainsi, dés le 22 août, plus de 250 d'entre eux sont
transférés vers le village de Walbeck. au Kommando de
Weferlingen. également appelé Gazelle : ils doivent aménager les
anciennes mines de sel pour y installer une usine souterraine
devant soutenir l'effort de guerre allemand. Des transferts sont
également organisés le 14 septembre vers le Kommando de Plômnitz-Leau,
ouvert depuis la fin du mois d'août (près de 200 déportés), ou
vers ceux de Langenstein (48 déportés) et de Witten-Annen (une
cinquantaine de déportés). Si les transferts vers d'autres KL
(Dachau. Flossenburg. Mauthausen et Neuengamme principalement)
sont relativement peu nombreux, près de 70 personnes de ce
transport sont par contre dirigées vers le camp de Dora.
On ne connaît qu'approximativement le parcours des femmes et des
enfants à partir du KL Ravensbrück. La plupart semble rester au
camp jusqu'à la libération : celle-ci étant anticipée pour au
moins une dizaine d'entre elles, grâce à l'intervention de la
Croix-Rouge, le 22 avril 1345. Mais. durant ces dernières
semaines de fonctionnement du camp, beaucoup sont transférées
aux KL Bergen-Belsen et Mauthausen.
Par ailleurs, il faut relever le taux encore important des
situations non connues (16,2 %), qui rend difficile, en l'étal
actuel des recherches, de savoir exactement quelle proportion
exacte d'hommes et de femmes de ce transport, particulier a plus
d'un titre, sont rentrés de déportation.
Thomas Fontaine. Manuel Maris. Guillaume Quesnée
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