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Antoine GRALL

 Récit de mon évasion le 1er juillet 1944

Le 9 Juin 1944, j'ai quitté à bicyclette, la ferme de mes parents à 9 h00, pour livrer les armes et munitions que j'avais reçues la veille pour le groupe  franc "VENGEANCE", (dirigé par le lieutenant DAVID, dont j'étais l'adjoint), qui se trouvait sur la commune de Grâces-Guingamp, au lieu-dit "Bois du loup", près de la ferme de M. LANCIEN, ancien Maire de Grâces. Ces armes m'avaient été remises lors de la réunion des responsables de la Résistance dans la Région de Guingamp, à laquelle étaient présents MM. BRANCHOUX, M. LE CUN Georges et André, DATHANAT Jean, FEREZ  etc., chez M. LANOE minotier, rue Chateaubriand à Guingamp.

En revenant à mon domicile, après avoir passé, sur ordre de M. Georges LE CUN, à la ferme exploitée par Mme GUILLOU et ses enfants, au lieu-dit 'La Ville Blanche", rue Locménard à Grâces, pour régler une affaire de distribution de vêtements, je suis tombé sur un barrage important de Felgendarmes qui contrôlaient toutes les identités. Dès que j'ai présenté mes papiers, j'ai été immédiatement arrêté. Dénonciation ? Emmené au siège de la Gestapo,  5 boulevard de la Marne à Guingamp, j'ai été interrogé et complètement défiguré par les coups, transféré dans la matinée du 11 juin 1944 à la Felgendarmerie de Saint-Brieuc, puis incarcéré au siège de la Gestapo 5 boulevard Lamartine à Saint-Brieuc où je suis resté jusqu’au 14 juin 1944. J'ai été interrogé par le dénomme MULLER et torturé (coup de poings, nerf de bœuf, baignoire) en présence de l’interprète ELOPHE qui a été arrêté dans la région d’Angers et jugé au Tribunal de Saint-Brieuc en février 1945. (J'étais  témoin à son procès). Le 14 juin 1944, j’ai été emmené à la Maison d’Arrêt de Saint-Brieuc et incarcéré (fautes de cellules disponibles) dans la salle commune de la prison où j’ai pu reprendre des forces, grâce aux soins que j’ai reçus avec les otages qui s’y trouvaient à cette époque (M. Jacques LE ROY pharmacien à Perros-Guirec, M. DUAULT, commerçant et maire de Quintin ; etc.)

Grâce à eux, j’ai récupéré un petit couteau « réclame » plat (marque « Byrrh) et une petite somme d’argent que j’ai toujours réussi, malgré les fouilles faites par les Allemands. J'ai quitté la Maison d'Arrêt de Saint-Brieuc, le 26 juin 44 pour être transféré par car au camp d'Internement  Margueritte à Rennes. Dans la baraque où  j'étais enfermé, nous étions environ 7O détenus.  Dans  ce camp, j'ai revu d'anciens camarades de résistance arrêtés avant moi ; Pierre COTTIN de Pommerit-le-Vicomte (22) – Marcel EVEN « Kerbost » Grâces (22), LE CORRE de Ploubezre (22) (tous morts en déportation), Le 29 juin 1944, vers 3 h00 du matin, les gardiens allemands nous réveillent brutalement et demandent à 7 détenus, dont moi-même, à nous préparer pour quitter le camp. Brouhaha !  Au-dehors  et le convoi de prisonniers,  bien surveillés  par les soldats allemands, quitte le camp Margueritte vers la gare de Saint-Jacques-de-la-Lande (35) où nous sommes embarqués dans des wagons à bestiaux  (prévus pour 4O hommes ou 8 bestiaux  mais il y a au moins 60 prisonniers  par wagons). Le convoi quitte la gare de Saint-Jacques-de-la-Lande (35) vers 4 h00 du matin, en direction de Nantes (via Redon) ; Arrivée  du train à la gare de Chantonnay (44) vers 10h00 du matin. L’arrêt se prolonge, car la Résistance a saboté la ligne S.N.C.F., paraît-il, en direction de Tours, Depuis notre départ du Camp Margueritte, les prisonniers n'ont absolument rien eu à manger, En attendant le départ, les détenus de chaque wagon vont à tour de rôle et en tenue d'Adam, se laver (il y avait 2 ou 3 robinets d'eau dans la cour de la Gare. II y avait un champ de blé à proximité de la gare  et la rumeur coûtait que 2 ou 3 prisonniers avaient réussi à s’évader dans cette tenue.  Les  Allemands ont tiré pendant un bon moment et la séance de lavage a été terminée. Vers 17h00, tout le convoi part à pied en direction de la gare de Nantes où les prisonniers sont à nouveau enfermés dans les wagons à bestiaux. Le train était sévèrement gardé par les Allemands et il n’était pas possible de tenter une évasion. Nous devions partir en la direction de Bordeaux au cours de la nuit, mais la Résistance a également saboté la ligne et le train est resté en gare de Nantes. Le lendemain matin 30 juin 1944, retour à pied vers la gare de Chantenay que nous avions quitté la veille, mais la population de Nantes était prévenue de la présence d’un train de déportation à Nantes. Tout le long de la route, les habitants ont fait le maximum pour nous ravitailler. Comme nous avions interdiction absolue de prendre quelque chose, les Nantais ont trouvé la solution et lançaient le ravitaillement par-dessus les soldats allemands. Dès l’arrivée à la gare de Chantenay, retour aux wagons à bestiaux.

Les Allemands n’étaient pas dans les wagons des détenus mais ils avaient nommé un responsable par wagon, (Firmin OLIVAUX de Ploërmel (56) pour le nôtre) qui serait fusillé en cas d’évasion d’un détenu. Il y avait des détenus de droit commun dans notre wagon qui ne voulaient pas entendre parler d’évasion mais Firmin  OLIVAUX leur a dit qu’il était le responsable et que les prisonniers qui pensaient pouvoir s’évader, le fassent. Nous avons commencé, à tour de rôle, à découper la paroi du wagon du train (côté tampons) avec le couteau que j’avais récupéré à Saint-Brieuc et que les Allemands n’ont jamais trouvé. A ce moment, est arrivée la Croix Rouge française de Nantes avec des vivres et de la boisson pour nous ravitailler. Le chef de convoi du train a consenti à ce que la Croix Rouge ravitaille  les prisonniers du train mais à condition que la troupe allemande soit ravitaillée d'abord, Elle a été, je pense, bien servie, surtout en muscadet  car leur chef a certainement fait stopper la distribution. La Croix Rouge, avec l'autorisation du chef de convoi, a distribué des vivres aux détenus et leur a envoyé des seaux de muscadet dans le fond desquels ; elle avait mis des couteaux qui ont été les bienvenus pour accélérer notre travail de découpage pour notre évasion. La surveillance s'était très relâchée depuis le passage de la Croix-Rouge (le muscadet).

  Nous avons terminé notre travail vers 2 h 00 du matin le 1er juillet 1944 et j'ai sauté du convoi qui avait quitté la gare de Chantonnay vers 22, 23 h 00 le 30 juin 1944 (en direction de Nantes et Tours) environ 1 km avant la gare d’Ancenis. Sur la route longeant la voie ferrée, nous nous sommes retrouvés à 9 prisonniers (3 des Côtes-du-Nord : Aimé JEGOU de Loc-Envel (22) décédé depuis - NICOLAS de L'Armor-Pleubian (22) décédé et moi- même et 6 autres de la Sarthe et de la Mayenne). Nous nous sommes séparés et nous avons pris la route à pied vers les Côtes-du-nord à 3 heures du matin le 1er juillet 1944. Après environ 3 h de marche, nous nous sommes aperçus à 6 h que nous étions toujours à proximité  de la Gare d'Ancenis (mais de l'autre côté). Nous nous sommes lavés dans un petit ruisseau et sommes rentrés dans une ferme où nous avons été très bien reçus et nourris mais c'était à proximité de la ligne S.N.C.F et nous en sommes repartis  aussitôt en direction de Mésanger et Joué-sur-Erre (1ère étape 35 km environ) et ensuite après plusieurs alertes nous avons réussi à gagner le département des Côtes-du-Nord (à pied et sans papiers; avec des étapes de 30 km environ par Abbaretz, Nozay, Dastres, Missi lac, Guémené-Penfao,  Massérac, Renac, Six-sur-Aff., La-Chapelle-sur-Gamelin, Car entoir, Ploërmel (où nous sommes arrivés le lendemain du bombardement de la ville par les Anglais, Ploërmel (Etang au Duc),  Taupons, Hellên, Languée, Les Forges, Rohan,  puis le long du canal de Nantes à Brest jusqu'à la hauteur de Croixanvec (56) puis le département des Côtes-du-Nord par Saint-Connec, Saint-Guen, Saint-Gilles, Vieux-marché, Saint-Mayeux, Corlay, Plésidy, Saint Adrien, Ploumagoar  (St-Hernin), Ploumagoar  (Moulin à fouler) puis Guingamp (Ferme de mes parents) où nous arrivons le 8 juillet 1944 dans un tombereau de foin, conduit par mon père qui nous a récupérés dans un champ de la ferme.

Après une bonne nuit, dans un lit et après que mes parents soient allés prévenir  André LE CUN, H. CHOUET père, photographe à Guingamp, nous établit des photos d'identité et nous sommes pourvus de nouvelles cartes d'identité. JEGOU et NICOLAS me quittent à ce moment et je les reverrai à la libération de notre région, le 10 juillet 1944, je rejoins le maquis de Coat-Mallouen" en Saint-Connan-Plésidy et je participe, après avoir récupéré des forces, à toutes les opérations de ce maquis (attaque du maquis le 27 juillet 1944 – Différents coups de main - Attaque par  les Allemands du Château de Kéribo en Grâces-Guingamp (7 août) et  libération de  la ville de Guingamp  le même jour. Participation à la libération  des villes de Lézardrieux et Paimpol les 14 et 15 août 1944 - Front  de Lorient   (jusqu'à  la capitulation et démobilisé le 30 juillet 1945.  

   
Sources:
1 Mémoire de Granit