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Robert Henri Fournier
Né le 12 octobre 1917à
Aix-en-Provence. Ingénieur diplômé de
l'école des Arts et Métiers. Militant
communiste, condamné à mort par un tribunal
militaire, s'évade et passe dans la
clandestinité. Interné à Fontevrault du 4 avril
1942 au 27 février 1944. Déporté «NN» de Paris, gare de l'Est " vers
Sarrebruck (camp de
Neue-Bremm) le 28 février 1944 à Gusen
II,
puis transféré à
Mauthausen (60737 (Ma) puis
Gusen I . Mort à Gusen le 5
mai 1945. (Les lettres ci-dessous témoignent de la difficulté de nourrir en période de guerre et particulièrement en prison un enfant en bas âge.) La dernière lettre envoyée à sa soeru par un de ses camarades de déportation
Noël 1943, ils étaient
huit enfants enfermés avec leurs mamans, courageuses patriotes, dans la
sombre Centrale de Rennes
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Lettre écrite par Robert Henri
Fournier à sa tante le 7 février 1943
( Hélène ou Eugénie Lalet est sa femme ,Claude son fils vient de naître le 4 décembre 1942. Marie-Jeanne est sa sa soeur, emprisonnée aussi à la Centrale de Rennes) Très
chère tante. |
Lettre écrite par Robert Henri Fournier à sa tante le 4 juillet 1943 Ma très chère tantine J'ai reçu, il y a 2 jours la lettre du 28 juin avec joie. je commençais à être très inquiet. ... J'ai des nouvelles bien mauvaises à te dire. D'abord ton petit-neveu se sent très mal en prison. Il ne veut plus pousser. Il n'a pris que 100 g. au cours des 3 derniers mois et ne pèse que 6,750 kg. Aucune dent n'est encore sortie. Il digère mal ses premières bouillies. J'imagine assez les difficultés de ravitaillement, pourtant il faut trouver du malt en paillettes qui lui éviteraient les embarras gastriques. Claude qui était châtain, vire au blond et ses yeux de bleus en gris. Sa maman se durement aussi de la détention, pourtant il nous est difficile d'admettre de faire sortir Claude. Alors la vie n'aurait plus de signification. Après 7 mois de démarches, j'ai enfin été admis à faire ma reconnaissance officielle. Marie-Jeanne est tellement anémiée que sa vue s'affaiblit chaque jour. Elle ne peut plus lire, ses yeux lui font trop mal et ne peut tricoter pour son neveu qu'au prix de gros efforts. Oh! ma petite tantine, je désespère de vous voir changée à jamais. Aujourd'hui des millions d'hommes versent leur sang à flot pour assurer à eux et à leurs frères une vie digne et libre. Jusqu'ici notre part de sacrifice a été nulle et nous ne pourrons aspirer au calme et au repos qu'après avoir consenti à notre tour cette part de sacrifice. Ce n'est pas en attendant un miracle, les pieds dans nos pantoufles, que l'ordre se rétablira, et pour notre part, nous n'avons pas l'intention de réitérer la faute de nos pères qui, parce qu'ils avaient subi une guerre sans rien y comprendre, ont cru avoir fait tout leur devoir pour le restant de leurs jours. Combien les événements actuels devraient les convaincre de leur erreur, aussi soyez ma chère tantine et ne nous demandez pas de renouveler une aussi monstrueuse bévue. Bientôt tu auras droit à une retraite bien gagnée. Crois-tu ma tantine, que nous vous laisserons vous tous nos aînés, en dépit de vos fautes, frustrer de ce qu'une vie entière de labeur vous a valu? Pourtant si personne ne lutte, avec le rythme de la dévaluation, qui assurera une retraite décente aux vieux travailleurs? Nous, nous aurons de cesse avant qu'elle ne soit garantie. L'oncle a t'il reçu ma lettre d'il y a un mois environ? Maintenant, comme toi, j'ai hâte de pouvoir te présenter ton petit-neveu et ta nouvelle nièce et jouir de l'hospitalité réconfortante que tu me proposes. En effet, j'ai encore au fond de moi, une grand réserve de tendresse pour la tantine qui me garda tout petit et eut assez d'amour pour ne pas me flanquer par la fenêtre alors que je le méritais ... |
Dernières nouvelles de Robert Henri Fournier adressées à
sa soeur Marie-Jeanne, par un camarade déportation le 14 août
1945 Angers le 14/8/1945 Mademoiselle
Je viens de recevoir votre lettre et je m'empresse d'y répondre
pour vous donner les quelques détails que je possède et qui
malheureusement s'arrêtent fin avril. Notre séjour à Mauthausen dura pour nous de 15 jours à un mois et je ne revis pas Robert qui fut dirigé vers Gusen II alors que je filais sur Gusen I, camp voisin situé à 5 km de Mauthausen. Gusen II des plus terribles, où sans exagérer, nous pouvions compter 90% de morts parmi nos camarades français. Là Robert travailla pendant deux ou trois mois et put en sortir grâce à plusieurs petites blessures qui le firent revenir à l'infirmerie de Gusen I où se servant de son métier, il se fit déclasser de Gusen II pour rentrer comme tourneur chez Messerschmitt à Gusen I où nous devions nous retrouver. De nouveau ensemble, nous reprîmes nos visites et aussi notre place au Parti et la vie continue tant bien que mal, avec l'espoir que vous avez certainement connu. Mais lui plus mal placé que moi, exposé aux coups, perdait ses forces rapidement. Après quelques mois il doit retourner à l'infirmerie et passe un assez bon séjour qu'il put prolonger en entretenant ses plaies. De retour au block, il a repris son travail, irrégulier d'ailleurs, du fait du manque de matières premières, mais la nourriture déjà insuffisante baissait également et de nouveau il redevient très faible malgré notre solidarité qui était plus morale que matérielle, mais quand même utile. Je vous adresse cette lettre. Vous jugerez si il est nécessaire
de la faire connaître tout de suite à ses parents et à votre
belle-sœur. Aussi je fais écrire l'adresse par une autre
personne afin que votre maman ne reconnaissant par mon écriture. Malgré ça espoir et bon courage. |
Sources: |