Francis Charpentier est né le 4 octobre 1894
à Rennes. Abandonné à l’âge de
9 mois à l'Assistance Publique, il ne connaîtra jamais ses parents. Élevé
par une nourrice de la région de Monfort, il passe le certificat d’études
primaires à 11 ans en étant reçu premier du canton. Comme c'était la coutume
à l’époque pour les enfants de l’Assistance, l'administration le place comme
commis de ferme. Ce sera ensuite le service militaire suivi des cinq années
de guerre 14-18 dont il reviendra avec la croix de guerre et la médaille
militaire. Francis Charpentier trouve une place de cocher chez un gros
propriétaire de Boisgervilly et prépare des concours qui lui permettent
d'entrer dans la gendarmerie. Marié en 192O, il est nommé gendarme à
Dol-de-Bretagne puis à Combourg et de nouveau à Dol en 1935. Pendant le
premier séjour à Dol, une fille est née en 1922. En 1939, c'est à nouveau la
guerre et en 1940 la débâcle. Patriote fervent, le gendarme Charpentier, est
très affecté de la défaite, ce qui occasionnera les premières difficultés
avec son chef de brigade, l'adjudant Meigné, plutôt enclin à la
collaboration.
Au mois de juin 1940 des troupes polonaises séjournent à Dol; elles sont
désorganisées par la retraite et abandonnent matériel et armes. Charpentier
récupère des armes et les cache dans un petit jardin qu'il loue en dessous
des douves. Les chasseurs de la région doivent remettre fusils et munitions
à la gendarmerie dès les premiers jours de l'occupation. Charpentier en
soustrait quelques-uns et les repartie chez les propriétaires dont il
connaît les sentiments. L'ambiance est de plus en plus tendue entre le Chef
de Brigade et son subordonné.
De permanence au bureau, un dimanche au début de 1941 le gendarme Meigné
trouve une note "confidentielle" demandant au Chef de Brigade d'établir une
liste de personnes «lu canton manifestant des sentiments gaullistes au
communistes: Cette liste est déjà établie et comporte des noms. Charpentier
relève ceux des gens connus de lui- Dès le lendemain, il va prévenir les
personnes concernées en leur recommandant de faire attention à leurs paroles
et à leurs actes.
Impensable peut-être, mais l'une des personnes alertées, un dentiste de Dol,
vient trouver l’adjudant pour lui demander si les faits sont exacts et s'
il est véritablement chargé d’établir une liste de suspects. D'où tient- il
ces renseignements ?.... C'est Charpentier qui... Bref, le scandale éclate.
L'État Major de la gendarmerie descend à Dol. Les explications sont
orageuses. Le gendarme Charpentier est immédiatement mis à la retraite
d'office. Il a huit jours pour quitter son logement de fonction qu'il occupe
avec sa famille à la gendarmerie. On est au mois de décembre 1941.
Charpentier n'est plus gendarme; il devient agent d’assurances et parcourt
la région ayant de nombreux contacts avec la population. Il cherche un
contact avec un mouvement de résistance ; il trouve, ce contact en la
personne de celui qui deviendra son gendre, un jeune instituteur qui vient
d’être nommé à Dol et qui est membre des FTP d'Ille-et-Vilaine. En mars 1942
Charpentier et sa fille adhèrent au mouvement Front national.
Meigné continue sa surveillance et envoie des rapports.
Le 2 décembre 1942, la Gestapo vient arrêter Charpentier à son domicile.
Après les premiers interrogatoires au siège de la Gestapo, villa des "Quatre
Vents" à Paramé. Ce sera la prison Jacques Cartier à Rennes, puis la
déportation à Oranienburg-
Sachsenhausen en janvier 43 et la suite du
calvaire : Neuengamme, Elrich,
Bergen-Belsen... Charpentier mourra dans ce
dernier camp en avril 1945 quelques jours avant la libération du camp. Il
avait 50 ans.
Raymond Le Pen.
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