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Marie Louise CHARPENTIER

"Juste parmi les Nations"

(1905- 1998)

 
La famille Engelstein avait quitté la Pologne au début du siècle pour venir s'installer à Metz. Lorsque les Allemands annexèrent la ville en 1940, les Engelstein durent s'enfuir. Après avoir erré pendant de longs jours, ils arrivèrent à Rennes, en Ille-et-Vilaine. Ils y furent rejoints par la femme du plus jeune de leurs trois fils, Joseph, qui, mobilisé dans l'armée française, avait été fait prisonnier de guerre par les Allemands. Elle était accompagnée de leurs deux enfants, Raymond, deux ans, et Catherine, trois ans. Un jour, en 1943, des agents de la Gestapo firent irruption dans leur maison, saccagèrent tout et arrêtèrent le père, Fishel Engelstein, et sa belle-fille. Avant de partir, ils menacèrent de revenir chercher la vieille madame Engelstein et les deux petits. Affolée, madame Engelstein, qui ne parlait pas le français, se rendit au bureau d’assistance aux familles des prisonniers de guerre de Rennes. En larmes, elle raconta ce qui s'était passé à l'assistante sociale, Marie-Louise Charpentier.

Cette dernière, sans tarder, l'accompagna chez elle pour chercher les enfants. Ensuite, elle emmena les trois Juifs chez l’un de ses amis, qui possédait une ferme à une quinzaine de kilomètres. Le fermier accepta d'héberger temporairement la vieille dame et ses deux petits enfants à la condition que ce soit Marie-Louise qui s'en occupe. Les réfugiés vécurent à la ferme environ un mois. Chaque jour, le frère de Marie-Louise venait leur apporter de la nourriture avec l'aide de deux amis. Pendant ce temps, l'assistante sociale leur cherchait une cachette durable. Finalement elle décida de les envoyer chez des amis de Paris actifs dans la Résistance. Dès que cela fut possible, Madame Engelstein, se faisant passer pour une Française sourde, fut accompagnée avec les deux petits jusqu'à la capitale par deux jeunes gens qui voulaient rallier les forces du général de Gaulle en Afrique du nord. Restée à Rennes, Marie-Louise attendait impatiemment le télégramme en code qui devait signaler le succès de l'opération : "les cinq lapins sont bien arrivés." Un membre d'un réseau clandestin transféra ensuite les trois Juifs chez des parents de madame Engelstein dans le sud de la France. Marie-Louise devait apprendre plus tard que la Gestapo de Rennes était revenue au domicile des Engelstein pour chercher la grand-mère et les deux petits. Fishel Engelstein mourut dans le train qui le conduisait à Auschwitz. Sa belle-fille survécut à Bergen-Belsen mais revint en France à la fin de la guerre brisée physiquement et moralement. Elle eut la joie de retrouver son mari et ses enfants, et alla même voir Marie-Louise Charpentier pour la remercier d'avoir sauvé ses petits. Toutefois, elle ne se remit jamais des horreurs subies et mourut cinq ans après la guerre.

Le 15 mai 1990, pour son action, Marie-Louise Charpentier a reçu le titre de « Juste parmi les nations », décerné par l'Institut commémoratif des martyrs et des héros Yad Vashem aux hommes et aux femmes qui ont « sauvé des Juifs persécutés pendant la période de la Shoah en Europe », et ce, « au péril de leur vie ». Un titre rare, décernée après enquête minutieuse, dont 25 271 personnes peuvent s'enorgueillir à ce jour.

Parmi ces 25 271 « Justes » figurent les noms de 3 760 Français. Dont un seul d'Ille-et-Vilaine : celui de la Rennaise Marie-Louise Charpentier, décédée en 1998, dans sa 93e année. Il est gravé pour l'éternité sur le « Mur des Justes des nations » du mémorial Yad Vashem de Jérusalem.


Source: Comité français pour Yad Vashem

 

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