Félix
Bodenan, Félo pour ceux qui l'aimaient, est né le 7 juillet 1921 dans
une famille ouvrière, son père était cheminot. Lui-même travaille dans la
chaussure et à la Cristallerie Fougeraise avant 1939. Il adhère à la
Jeunesse Communiste, puis au Parti Communiste Français en janvier 1939.
L'Europe marche vers l'abîme ; Hitler en Allemagne, Mussolini en Italie,
Franco en Espagne, imposent aux peuples la dictature fasciste, persécutent
les démocrates, les communistes. En Allemagne, déjà, s'ouvrent des camps de
concentration, dont des Allemands seront les premières victimes et la chasse
aux Juifs annonce l'holocauste de « la solution finale ».
La grande bourgeoisie française songe plus à sa revanche sociale qu'à
combattre le nazisme, «plutôt Hitler que le Front Populaire » disent-ils, et
les premières décisions politiques, prises quelques jours après la
déclaration de guerre, seront la dissolution du parti communiste et la
chasse aux militants dans le pays. C'était « la drôle de guerre », qui
laissait le champ libre à Hitler en Pologne.
On connaît la suite, 1940, la capitulation, l'occupation de la France, le
régime de Vichy, complice des nazis.
Cela Félo ne l'accepte pas. Dès 1940, avec son ami Gaston MENTEC et les
communistes du Pays de Fougères ils commencent à organiser la Résistance.
Ils ne sont pas les seuls à refuser de vivre à genoux, à Fougères le groupe
GALLAIS prépare aussi le combat, ses membres paieront aussi de leurs vies et
de leurs libertés leur attachement à la France.
La direction régionale du parti communiste confie à Félix BODENAN la
responsabilité de l'organisation des jeunes de la région fougeraise, pour
constituer les O.S., « organisations spéciales », qui deviendront ensuite
les F.T.P., unités combattantes des Francs Tireurs et Partisans.
La police de Vichy pourchasse les clandestins ; les arrestations se
multiplient, les exécutions aussi. Le 22 octobre 1941, 50 otages, livrés par
Vichy aux Allemands, sont fusillés à Châteaubriand.
Le 31 mars 1942, Félo et Gaston sont arrêtés par la police française, aux
ordres de Vichy, à la suite d'une dénonciation. La présence d'esprit de son
frère André, alors âgé de 15 ans, qui cache sur lui les documents
compromettants, empêche la police de Vichy de mesurer l'importance de la
prise qu'ils viennent de faire et évite, sans nul doute, la guillotine à
Félo. André rejoindra ensuite la Résistance.
Après une parodie de jugement, un tribunal vichyste condamne Félo et Gaston
à 8 années de travaux forcés.
Ici commence pour Félo le long et douloureux périple qui le conduira des
prisons françaises au camp de concentration de
Mauthausen, en Autriche.
Incarcérés à la prison St Roch, à Fougères, Félo et Gaston sont transférés à
la prison Saint-Hélier, à Rennes, où ils partagent leur cellule avec Jean
ROLLAND, responsable régional de la Résistance communiste.
Ensuite Félo connut les prisons de Laval, de Le-Mans, de Caen, de
Fontevrault, de Blois. En février 1944 les collabos de Vichy livrèrent aux
Allemands les détenus politiques de la prison de Blois. Après 3 jours et 3
nuits de transport dans des wagons plombés, écrasés à 120 par wagon, sans
eau ni nourriture, Félo et ses compagnons de misère découvrent le camp de
Mauthausen.

Mauthausen est un camp « d'extermination par le travail » ; pour
l'administration SS les détenus qui y étaient envoyés étaient classés «
retour non désiré ».
Le travail consistait à extraire des pierres d'une carrière, en montant les
terribles 186 marches de l'escalier d'accès.
Félo y connut la faim, le froid, les coups des bourreaux SS.
Le 6 mai 1944 Félo est transféré au commando de
Loibl-Pass, à la frontière de
l'actuelle Slovénie. Au camp Nord, tout d'abord, puis au camp sud à partir
du 26 décembre 1944.
Avec ses compagnons de souffrance il participera à la construction du tunnel
de Loibl, toujours en service aujourd'hui, entre Ljubljana, en Slovénie, et
Klagenfurt, en Autriche.
Libéré par les Partisans yougoslaves de TITO, le 6 mai 1945, Félo finira la
guerre dans leurs rangs ce qui lui valut d'être décoré de « la Médaille du
Souvenir yougoslave » par ses compagnons d'armes.
Félo rentrera des camps marqué à vie dans sa chair et dans son âme. Jamais
il n'a pu faire complètement le deuil de ses camarades, et pour lui,
dénoncer l'univers concentrationnaire était devenu l'objectif de sa vie, y
compris quand les conséquences de la maladie lui rendirent difficile l'usage
de la parole. Le 16 mai 1945 les rescapés du camp de Mauthausen, juraient
que
« Sur des bases sûres de la fraternité internationale, nous voulons
construire le plus beau monument qu'il nous sera possible d'ériger aux
soldats tombés pour la liberté : le Monde Libre ! »
Félo demeurera fidèle à ce serment. Avec ses camarades de la FNDIRP et
d'autres déportés survivants des camps, il ira dans les collèges et les
lycées perpétuer la mémoire de la Déportation et de la Résistance et appeler
les jeunes à veiller pour qu'il n'y ait « plus jamais ça ».
Après la Libération Félo travaille comme cheminot à la gare de marchandises
de Fougères; il y poursuit ses activités militantes.
Félo est toujours demeuré fidèle au Parti Communiste Français, 64 années
d'engagement pour un monde meilleur, pour la justice sociale, la fraternité
entre les hommes et la Paix, cela force le respect. Surtout quand on sait de
quel prix cet engagement a été payé et dans quelles conditions difficiles il
a été vécu ces dernières années.
La vie, l'histoire, ont fait du jeune ouvrier fougerais Félix BODENAN une
figure de la résistance fougeraise, un citoyen exemplaire sans qu'il l'ait
voulu, lui qui était modeste pour lui-même, mais exigeant pour le devoir de
mémoire que méritait ses frères d'armes.
(Une rue de Fougères porte le nom de Félix BODENAN depuis 2006)
Décorations :
Croix de Guerre avec Palme,
Chevalier de la Légion d'Honneur. |
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