Ed: 29/07/2024 

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ALFRED, JEAN, BIHAN

1917 ~ 1945

RÉSUMÉ DE SA VIE

 

  

Un grand nombre de documents personnels d’Alfred Bihan (photos, lettres de prison et d’Allemagne,

etc.) sont conservés aux Archives départementales des Côtes-d’Armor sous la cote 1J141, librement

consultables.

– Né le 11 décembre 1917 à Landébaëron (au lieu dit Placen ar Run), dans les Côtes-du-Nord (22140,

actuelles Côtes d’Armor), dernier d’une famille de huit enfants (cinq filles, trois garçons). La famille,

installée précédemment à Squiffiec, a déménagé à Landébaëron entre 1909 et 1911.

Sources : mairie de Landébaëron, registre des naissances ;

mairie de Squiffiec, registre des naissances ;

Archives Départementales des Côtes-d’Armor (AD 22) 2 MI LN 95.

– Baptisé le 12 décembre 1917, à Landébaëron.

Source : certificat de communion solennelle (établi au nom de Le Bihan).

– Scolarité primaire dans son village natal (vraisemblable, mais le registre de l’école des garçons a

disparu).

- 07 juin 1928 : communion solennelle en l’église de Pontrieux.

Source : certificat de communion solennelle (établi au nom de Le Bihan).

– 1932 : mort de son frère Jean à Caen (il fréquentait l’institut monseigneur Lemonnier).

– 1934 : mort de son père, à Landébaëron.

-- Classe de 1re au collège Saint-Joseph de Lannion (22300, actuelles Côtes-d’Armor) de septembre 1934

à juillet 1935. Alfred y a obtenu les prix suivants :

- 1er prix en version latine

- 1er prix en version grecque

- 2e prix en thème latin

- 2e accessit en exactitude

- 2e accessit dans les examens

- 3e accessit en instruction religieuse

- 3e accessit en composition française

- 3e accessit en thème grec

Source : Archives de l’évêché de Saint-Brieuc et de l’Institution Saint-Joseph de Lannion. Cahier

d’inscription des élèves dans l’école et Distribution des prix du 13 juillet 1935.

– Entré au Grand Séminaire de Saint-Brieuc (22000, actuelles Côtes-d’Armor) le 30 septembre 1935. Y

est resté deux années.

Source : archives de l’évêché de Saint-Brieuc. 2 H 14 : registre d'inscription des séminaristes, 1903-

1948, 2 H 18 : registre des notations et appréciations des séminaristes, 1923-1947.

– Engagement par devancement de l’appel le 18 octobre 1937. Affecté au 8e régiment du génie de

Versailles, 1er bataillon, 3e compagnie, matricule 11 126.

– Affecté à la compagnie 132/84 (transmissions) de la 2e Division Cuirassée de Réserve le 1er mai 1940.

Participe aux combats sur le front de la Somme. Cité à l’ordre du régiment. Démobilisé et renvoyé dans

ses foyers le 30 août 1940. Croix de guerre.

Source : Livret militaire ;

Les Grandes unités françaises de la guerre 1939/1945, Vincennes, Service Historique de

l’Armée de Terre, 1967.

– 1er septembre 1940 à décembre 1941 : ouvrier agricole à Kermoroc’h, au Château, chez « Mme Veuve

Raoul »

Source : Archives Départementales des Côtes-d’Armor (AD 22), Demande de carte de Combattant

volontaire de la Résistance (déposée par son frère Eugène), 1591W143

Sa présence est attestée au séminaire de Saint-Brieuc le 20 décembre 1940.

Source : archives de l’évêché de Saint-Brieuc. 2 H 10 : registres des dettes et pensions des

séminaristes, 1898-1967. Registre des applications (aide financière pour les séminaristes),

1842-1939

– 22 décembre 1941 : embauché à la SNCF comme « agent temporaire ».

Source : Archives Départementales des Côtes-d’Armor (AD 22), Demande de carte de Combattant

volontaire de la Résistance (déposée par son frère Eugène), 1591W143

– 1er février 1942 : immatriculé au régime de prévoyance de la SNCF (agent 17/01.473). Exerce la

fonction de manutentionnaire à la gare de Bois-Colombes et vit à Colombes (Seine-et-Oise,

actuellement Hauts-de-Seine). Il s’installe d’abord au 24 de la rue Jean-Louis Louet avant de

déménager au 29 de la rue de Rueil, dans la pension de famille de monsieur et madame Ève. Une

plaque commémorative est apposée à l’intérieur de la salle des pas perdus de la gare de Bois-

Colombes.

– Reçoit le 15 décembre 1942 un « Certificat d’embauchage » de l’Office de Placement Allemand lui

intimant de partir pour l’Allemagne le 18 décembre. Cette réquisition intervient dans le cadre de la loi

du 4 septembre 1942. Refuse de partir, devient réfractaire, retourne en Bretagne et séjourne chez

Jean Coatanroc’h et sa mère, veuve, à Lézardrieux, peut-être sous une fausse identité (inconnue à ce

jour), où il travaille comme ouvrier agricole.

Sources : témoignage de Norbert Ferragut ;

archives privées de Jean Coatanroc’h : témoignage écrit la veille de sa mort.

Archives Départementales des Côtes-d’Armor (AD 22), Demande de carte de Combattant

volontaire de la Résistance (déposée par son frère Eugène), 1591W143

– Arrêté le 08 mars 1943 sur l’île Maudez (parfois orthographiée Modez ), dans l’anse du Trieux en

compagnie de trois autres personnes : Jean Coatanroc’h, Yves Le Corre, André Le Razavet. Ce dernier,

relâché, sera à nouveau arrêté quelques heures plus tard au domicile de Yves LE DU, interpellé lui

aussi. Son frère Georges LE DU sera également arrêté à son domicile dans la nuit du 08 au 09 mars.

Ces hommes avaient projeté de s’emparer de la vedette du Service des Phares et Balises, La Horaine,

afin de rejoindre l’Angleterre, avec l’accord de l’ingénieur TPE André LE BRAS. La dénonciation ne

fait aucun doute, elle est corroborée par différentes sources. Après la Libération, le CDL des Côtes du

Nord mènera une enquête à ce sujet. Tous seront déportés, Alfred Bihan et Yves Le Corre ne

reviendront pas des camps de concentration.

Les fiches de la préfecture recensant les arrestations opérées par les autorités d’occupation donnent

comme date d’arrestation le 09 mars. Mais Alfred Bihan, dans une lettre à ses parents, écrit : « Arrêté

le lundi 8, à trois heures de l’après-midi environ, alors que je ramassais des ormeaux sur la grève de

l’île Maudez, près Larmor. »

Sources : lettres d’Alfred ;

témoignage de Norbert Ferraguti ;

témoignage de Jean Coatanroc’h publié dans Sachso, Paris, Minuit/Plon, collection « Terre

Humaine », pages 54-55 ;

archives privées de Jean Coatanroc’h : Interrogatoire des survivants, 26/07/45 ; Rapport

complémentaire remis par le Front National au CDL des Côtes du Nord le 12/08/45

AD 22 2W107, 2W113, 2W124, 1140 W 2 .

Il est à noter qu’une autre tentative réussira quelques mois plus tard. Le 22 novembre 1943, La Horaine

filait vers l’Angleterre, avec cinq jeunes gens désireux de rejoindre les FNFL, et le marin allemand

chargé de la surveillance, dûment ficelé à fond de cale.

Source : Roger Huguen, Par les nuits les plus longues, Spezet, Coop Breizh, 2002, pages 125-129.

– Transféré à la maison d’arrêt de Saint-Brieuc, avec ses cinq camarades, le 10 mars 1943.

Source : Registre de contrôle nominatif de la maison d'arrêt de Saint-Brieuc, AD 22 1643W7

– Détenu à la maison d’arrêt de Saint-Brieuc en compagnie de ses cinq camarades du 10 mars au

21 avril 1943.

– Transféré au camp de Compiègne, (arrivé le 22 avril au matin) avec ses cinq camarades. Reste à

Compiègne jusqu’au 08 mai 1943 où il est immatriculé sous le numéro 13 622.

Source : témoignage d’Yves Léon ;

Bureau des Archives du Monde Combattant, dossier statut 5 151/2 331, 1 004 18853

– Départ de Compiègne pour l’Allemagne le 08 mai 1943 au matin, toujours avec ses cinq camarades.

Arrivée du convoi au camp de concentration d’Oranienburg-Sachsenhausen le 10 mai. Alfred y reçoit

le numéro matricule 66 642.

Sources : lettres d’Alfred et témoignage de Norbert Ferraguti.

« Quarantaine » au grand camp du 10 au 26 mai 1943, au block n° 18.

Source : témoignage de Norbert Ferraguti.

– Dirigé sur le kommando de Küstrin, à 70 kilomètres à l’Est de Berlin, au confluent de l’Oder et de la

Wartha, (actuellement Kostrzyn-Odrzanski en Pologne), le 27 mai 1943, toujours en compagnie des

« cinq ». Il y a là environ deux-cents Français (sur deux cent cinquante détenus, ils sont très largement

majoritaires, une exception dans l’univers concentrationnaire) qui travaillent dans le grand complexe

industriel Zellwolle Zellulose Werk, fabrique de pâte à papier et de dérivés de la cellulose. La plupart

des détenus travaillent à l’extérieur des bâtiments (manutention, terrassement), mais quelques

spécialistes sont affectés à l’intérieur de l’usine sur des machines. Cela leur permet d’avoir des contacts

avec des prisonniers de guerre français, des civils allemands, et d’obtenir ainsi quelques informations

(l’annonce du débarquement en Normandie par exemple).

Sources : Sachso, Paris, Minuit/Plon, collection « Terre Humaine », pages 240-246 ;

témoignage de Norbert Ferraguti.

Transféré au kommando de Trebnitz, à 40 kilomètres à l’ouest de Küstrin, le 1er octobre 1944. Affecté à

la carrière, dans des conditions particulièrement difficiles.

Sources : Sachso, Paris, Minuit/Plon, collection « Terre Humaine » page 246 ;

Jean Bezaut, Oranienburg 1933-1935 Sachsenhausen 1936-1945, Hérault Éditions, 1989,

pages 285-287, et témoignage de Norbert Ferraguti.

Évacué du camp de Trebnitz le 1er février 1945, suite à l’avance des troupes soviétiques, passage par le

kommando Heinkel, puis arrivée au camp de Flossenbürg le 02/02/45. Nouvelle immatriculation : 45 551.

Sources : Les mêmes qu’à l’item précédent.

Bureau des Archives du Monde Combattant, dossier statut 5 151/2 331, 1 004 18853

ITS Archives, Bad Arolsen, 1.1.8.1 / 10799842-843, Liste de transfert du jour, du camp de

Sachsenhausen au camp de Flossenbürg

– Décédé des suites des mauvais traitements conjugués à la dysenterie le 19 février 1945. Tous les

documents officiels indiquent comme date de décès le 20 février, mais Norbert Ferraguti, qui fut le

dernier à le voir vivant et a pu se recueillir quelques minutes devant le corps de celui qu’il appelle

encore « mon frère de misère » est formel : Alfred Bihan est décédé le 19 février, mais sa mort n’a été

enregistrée que le lendemain, de manière que le block dans lequel il se trouvait puisse toucher sa ration

de pain.

Source : ITS Archives, Bad Arolsen, 1.1.8.1 / 10798097, Liste des décédés du jour au camp de

Flossenbürg. 1.1.8.1 / 10796025, Extrait du registre du camp de Flossenbürg

– 10 mai 1946 : Acte de décès n° 2 331 établi par le Ministère des Anciens Combattants et Victimes de

Guerre.

– 10 juillet 1946 : établissement d’un second acte de décès (n° 324).

– 28 juin 1946 : Acte de disparition n° 5 897 établi par le même ministère (on notera que l’acte de

disparition a été dressé après l’acte de décès ! Bizarrerie de l’administration, ou plutôt témoignage de la

désorganisation des services au lendemain de la Libération).

– 03 mai 1949 : Certificat d’appartenance aux FFI établi par la 3e région militaire (après un premier

refus). Ce document comporte une erreur : il stipule que Alfred Bihan a été arrêté le 07 mars, alors qu’il

s’agit du 08 mars.

– 28 juillet 1953 : Carte de Déporté Résistant (n° 100418853), établie par le Ministère des Anciens

Combattants et Victimes de Guerre, adressée au frère d’Alfred, Eugène.

– 21 octobre 1953 : Certificat de validation des services, campagnes et blessures des déportés et internés

de la Résistance (n° 18 308), établi par le Secrétariat d’État à la guerre.

– 30 novembre 1953 : Carte de Combattant Volontaire de la Résistance (n° 011107), établie (au nom

d’Alfred Le Bihan) à titre posthume par l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de

Guerre.

– 26 juin 1956 : Attribution de la Médaille militaire à titre posthume (Croix de guerre avec palme et

Médaille de la Résistance). Le décret, publié au J.O. du 04/07/1956 comporte trois erreurs de date

(Arrêté le 07 mars [en fait le 08 mars], interné jusqu’au 17 juillet [en fait interné jusqu’au 08 mai], et

déporté le 18 juillet [en fait le 08 mai].

– 1961 : Inscription sur le registre départemental destiné à l’établissement de la statistique de la

déportation dans les côtes du Nord (un courrier en ce sens a été envoyé à la préfecture sans doute par

Eugène, son frère, mais je n’ai pas vérifié si Alfred figurait sur ce document qui ne semble pas avoir été

publié.)

– 9 septembre 1987 : Publication au Journal Officiel de son nom, conformément à la loi 85-528 du 15 mai

1985 (Cf. Vol. II, Annexe 60), qui stipule que « la mention “mort en déportation” [sera] portée sur

l’acte de décès de toute personne de nationalité française ou résidant en France ou sur un territoire

antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France qui, ayant fait l’objet

d’un transfert dans une prison ou un camp, y est décédée. Il en est de même si la personne a succombé

à l’occasion du transfert. » Cette disposition fut transmise au maire de Landébaëron qui la transcrivit

sur le registre d’état civil de la commune le 23 décembre 1988. Il en rendit compte le jour même dans

un courrier au secrétariat d’État aux Anciens Combattants.

Alain Quillévéré