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Témoignage de Monsieur Jean AUGRE , déporté à Neu-Stassfurt, matricule 81 285

I. Arrestation et tortures  | Il. Le transfert en Allemagne  |  III.Les mines de sel de Neu-Stassfurt IV. Marche de la mort et évasion  |  V. Après le camp


Monsieur Augré est né le 14 décembre 1918 à Guern dans la région de Pontivy (Morbihan). Il passe son enfance non loin de là au hameau de Treuguy, sur la commune de Malguenac. A l'époque, la vie dans cette Bretagne n'est pas facile y compris pour les enfants. Dès leur plus jeune âge, ils doivent aider leurs parents. Sur le chemin de l'école, Monsieur Augré achemine des sacs de farine chargés sur une brouette et au retour il récupère des pains chez le boulanger. Après la classe, d'autres travaux l'attendent autour des animaux.
A quatorze ans, dans cette fratrie de huit enfants, il doit quitter la maison et « s'expatrier » vers d'autres régions agricoles. C'est ainsi qu'il rejoint le département de l'Indre, où il travaille comme vacher, puis charretier. Un an après son départ, il apprend le décès de sa maman. Dans les années qui suivent, il n'a que de très rares occasions de retourner chez lui.
Il effectue son service militaire à Brest (Finistère) dans l'infanterie de marine. Puis il part à la guerre. Mais son régiment se replie en zone libre et par la suite Monsieur Augré est démobilisé. Dès qu'il quitte l'armée, il repart travailler dans les fermes. Et donc en 1944, il se trouve dans le nord du Loiret, où il a été embauché comme tâcheron à la ferme de Godonvilliers sur la commune d'Estouy, près de Pithiviers.


I. Arrestation et tortures

Dans le Loiret, Monsieur Pierre Charié, chef des F.F.I. du département, demande des parachutages d'armes et de matériel pour équiper les maquisards en différents lieux. L'un des terrains est situé à proximité des communes d'Estouy et de Marsainvilliers où vont se dérouler plusieurs opérations. Le code annonciateur sur la BBC du premier parachutage qui a lieu fin avril est la phrase « il bine les betteraves ». Les huit containers largués sont cachés dans le petit bois de Godonvilliers. Par la suite six Anglais seront également parachutés et conduits en Forêt d'Orléans. D'autres parachutages se passent sur ce même terrain.

Or le 7 juillet 1944, un bataillon du régiment de sécurité 1010 cerne les trois fermes environnantes : Godonvilliers, le Buisson, les Essarts. A propos de ce dernier lieu, il faut préciser que le château est le siège d'une Kommandantur (commandement militaire local). Il semble que les Allemands aient glané des renseignements, à la suite de quoi ils ont découvert la cache d'armes dans le bois. Ainsi ils procèdent à la rafle de tous les hommes , y compris des tâcherons de Bretagne dont Monsieur Augré qui est leur chef d'équipe. Si plusieurs personnes étaient au courant de ces opérations de parachutage, ce ne fut pas le cas pour un certain nombre de la trentaine d' hommes qui furent arrêtés et de toute façon la majorité n'était pas impliquée dans la Résistance. A cette époque de l'année, les hommes travaillaient dans les champs de betteraves.

Ils sont transférés au château des Essarts où les Allemands commencent les interrogatoires et frappent les prisonniers. A la question : « Que faites-vous ici ? », Monsieur Augré répond en toute logique : « Je bine les betteraves », ce qui est précisément le code du premier parachutage. Cela suffit-il pour le rendre particulièrement suspect ? Monsieur Augré se souvient :


"J'ai été suspendu à une porte avec les bras attachés dans le dos, la corde tirée par dessus la porte. Avec le poids de mon corps, mes épaules étaient affreusement douloureuses. Combien de temps ça a pu durer ? Un quart d'heure ? Je ne sais pas. Je hurlais de douleur."

Dans la nuit, les otages sont emmenés à Orléans au siège de la gestapo. Plusieurs d'entre eux partiront comme travailleurs en Allemagne, le 14 juillet 1944. D'autres auront la chance d'être libérés. Mais cinq hommes sont gardés par la gestapo et mis en cellule à part. Il s'agit de : Roger RENARD patron de la ferme des Essarts, de Denis Camous ouvrier dans cette même ferme, de Jean Berthier gérant de la ferme de Godonvilliers, ainsi que de deux autres travailleurs de cette ferme Raymond Germain et donc Jean Augré.

La gestapo allemande pratique à nouveau la torture dans ses geôles de la rue Eugène Vignat, à l'encontre des prisonniers. Monsieur Augré explique :

" Ils voulaient à toute fin me faire avouer que j'étais un responsable du parachutage. A sept reprises je suis passé à la salle des tortures. Ils me tapaient à coups de nerf de bœuf, ma peau éclatait, mon sang coulait partout. C'est abominable ce que j'ai dû endurer."

Le 28 juillet 1944, tous les cinq quittent Orléans en camion. Le destin a même voulu qu'ils repassent par Pithiviers en faisant un arrêt sur la place centrale du Martroi, puis leur itinéraire passe non loin des trois fermes, sur la route de Malesherbes. Ils sont emmenés à Compiègne au camp de Royallieu. Ils vont y séjourner jusqu'au départ vers Buchenwald, le 17 août 1944.


Il. Le transfert en Allemagne

Le 16 août 1944, 1250 hommes désignés pour le convoi sont rassemblés pour être amenés par camions dans la Forêt de Compiègne. Les chiens sont lâchés par les Allemands pour activer l'embarquement. Quatre des hommes arrêtés à Estouy partent par ce convoi, le cinquième homme, Raymond Germain, part par le convoi suivant, il sera libéré près de Péronne (, suite à la destruction des rails par la Résistance. Par contre, le convoi n° 265 atteindra l'Allemagne, il est le dernier à partir de Compiègne pour Buchenwald (une plaque commémorative est apposée en ce lieu).

En cet après-midi d'août, la chaleur est déjà accablante. A leur arrivée à un carrefour forestier, au lieu-dit Bellicart, près de Rethondes (lieu de signature des armistices de 1918 et 1940), un train les attend. Les prisonniers sont enfermés à 100 par wagon dans ces tristement célèbres trains de marchandises, portant l'inscription : « Chevaux 8, hommes debout 40 ». Ils doivent attendre tout l'après-midi et encore toute la nuit la locomotive qui n'arrive qu'au petit matin du 17 août 1944, en raison des actions de destruction menées par les résistants locaux. Monsieur Augré est dans le même wagon que Monsieur Berthier. Le convoi s'achemine pour une destination inconnue des prisonniers, avec des arrêts prolongés, alors que le soleil d'août darde sur les wagons où la température atteint les 60°. Dans les wagons où les hommes sont entassés, il n'y a pas d'eau, pas d'air (juste deux petits vasistas), pas de nourriture et la tinette déborde. Les SS fusillent ceux qui tentent de s'évader. Dans le train des hommes deviennent fous, des hommes meurent et le voyage infernal continue. Le périple va durer quatre jours et quatre nuits avec des arrêts prolongés. Si certains ont pu absorber de la soupe d'orge à la frontière allemande à Homburg, Monsieur Augré affirme n'avoir absolument rien eu. Puis c'est la traversée du Rhin à Mainz (Mayence), et toujours en direction du nord-est passage à Erfut et à Weimar. Ensuite le train repart lentement sur plusieurs kilomètres traversant une forêt de sapins. Toujours pas d'air, la chaleur est intenable. Après un arrêt prolongé, les portes des wagons s'ouvrent enfin et les hommes descendent sous les coups : c'est le 21 août 1944. Ils sont à Buchenwald.

Monsieur Augré évoque ce transfert :

" Ces journées dans le train ont été terribles avec une chaleur à crever, rien à boire, pas de sanitaires. On était couchés les uns sur les autres et surtout il y avait des gars complètement fous. Parmi nous il y avait des mourants et aussi des morts. C'était vraiment affreux !"

III.Les mines de sel de Neu-Stassfurt

La première étape dans l'univers concentrationnaire est donc le camp de Buchenwald (en traduction : la forêt de hêtres).

Monsieur Augré poursuit :

"Nous étions embauchés à la carrière, il fallait rapporter de lourdes pierres au camp. Nous étions entourés de chiens menaçants. Si l'un des prisonniers dépassait du rang, il était dévoré par les chiens. Je ne suis pas resté longtemps à Buchenwald, juste quelques semaines, car ils formaient des kommandos. C'est comme ça que je me suis retrouvé dans les mines de sel."

Monsieur Augré est donc parti à Neu-Stassfurt avec ses compagnons de misère : Monsieur Renard, Monsieur Berthier et Monsieur Camous. Et voilà comment Monsieur Augré explique son travail dans les mines de sel :

"Les mines de sel étaient sur plusieurs étages. A ce qu'il paraît c'était pour installer des usines pour les VI et V2. Moi j'ai travaillé tout au fond. Le travail durait douze heures. Il n'y avait pas d'arrêt le midi, donc pas à manger. Je n'étais employé qu'au chargement du sel. C'était toujours le même boulot, il fallait charger le sel sur les wagonnets et après les pousser jusqu'à l'élévateur. Une autre équipe était chargée de creuser, ils mettaient des explosifs qui étaient poussés avec des barres à mine. Mais parfois le trou fait à la dynamite ne suffisait pas et il nous fallait continuer de creuser à la pioche pour agrandir. C'était intenable de travailler dans cette atmosphère de saumure. Moi à la mine je n'ai été que dans l'équipe de jour, pas dans celle de nuit. Au sortir de la mine, on marchait sur un terrain, situé au-dessus des carrières et chaque jour il y avait des nouveaux trous dus aux éboulements, on avait très peur de trébucher dedans. On portait la tenue rayée et on avait très froid . A des moments, s'ils demandaient du monde en surface, moi j'y allais. Au moins là-haut on pouvait espérer glaner quelque chose pour manger, ce qui n'était pas le cas dans la mine. Là j'ai déchargé des wagons de sable et de ciment destinés à la mine. On transportait aussi par exemple des rails de chemin de fer, à mains nues, et avec le gel les doigts restaient collés sur le fer."

Bien évidemment, tous ces travaux quels qu'ils soient étaient exécutés sous les coups répétés des kapos. Monsieur Augré dit à ce sujet :

"Il y avait tout le temps les coups des kapos. Des coups pour se lever le matin. Des coups de cravache. Des coups de pied. Des coups de poing. Des gifles. De toute façon au travail, il fallait toujours remuer, devant eux il ne fallait pas s'arrêter, même si on ne faisait pas grand chose. Mais à l'instant où ils avaient la tête tournée, on s'arrêtait."

A la question : « Avez vous eu connaissance de faits de résistance possible ? », Monsieur Augré se souvient :

"En surface on déchargeait les sacs de ciment livrés par wagons. Les sacs devaient être empilés dans un bâtiment. On empilait bien les sacs qui étaient devant et on crevait avec une sorte de couteau en fer les sacs qu'on remettait derrière. Heureusement qu'ils n'avaient pas idée de regarder derrière les piles, sinon on aurait été fusillés. On se servait aussi des sacs de ciment en papier qu'on mettait sous la veste pour se protéger du froid, ça aussi c'était interdit. Pour les punitions, certains gars ont été suspendus à la grille et ils y restaient jusqu'à leur mort."

La nourriture pour les déportés faisait l'objet d'une quête permanente. Monsieur Augré nous a expliqué précédemment que c'est la raison pour laquelle il préférait travailler dans les kommandos de surface. Mais cela faillit d'ailleurs lui coûter la vie. Voici ce qu'il raconte :

"On travaillait donc les douze heures d'affilée, sans manger. Le matin on avait un bout de pain avec un peu d'une sorte de gruyère et le soir la soupe ce n'était que de l'eau. On allait à la soupe avec notre espèce de gamelle. On gardait si possible un bout de pain pour mettre dedans, un pain de 15cm partagé en quatre. Les prisonniers allemands qui étaient aussi dans la mine n'étaient pas mieux traités que nous. Quant aux civils, ils n'approchaient pas, ils craignaient les SS. Sinon en surface on cherchait à ramasser tout ce qu'on pouvait. On se poussait de l'un à l'autre pour tenter d'attraper un peu de colza, qu'on mettait dans la soupe, mais il fallait faire vite. On arrachait aussi des pissenlits, mais c'était très difficile, on avait à peine le temps de les ramasser, par peur d'être vus, d'être pris. J'allais loin du camp pour chercher des betteraves, c'était un risque fou, mais j'en avais tellement marre, on pensait aussi à la mort. Et une fois en allant récupérer des betteraves dans un silo, j'ai été surpris par le chef de kommando et une sentinelle, un Polonais. Ce dernier a pris son fusil par le canon et s'est mis à me taper de toutes ses forces. Il m'a cassé, oui cassé, son fusil sur les reins. Et après il s'est encore acharné après moi de colère, car il devait craindre la réaction des chefs SS pour avoir cassé son arme. Je n'osais pas me relever, je pensais que j'avais les reins brisés. Pour moi ça a été un moment abominable, que je ne pourrai jamais chasser de ma mémoire."

Les trois autres déportés, Monsieur Renard, Monsieur Berthier et Monsieur Camous connaissaient un sort aussi terrible que Monsieur Augré : le travail harassant, la faim, les coups. Sur ce point, Monsieur Augré précise :

"Dans le camp, on s'est toujours suivis. Denis Camous est mort le premier, fin novembre 1944, il est mort à la mine. Avec Roger Renard et Jean Berthier, on était toujours ensemble, au camp, on occupait des lits superposés. Il faisait froid, on avait juste un mauvais couvre-pied.
- Bien sûr il y avait de la solidarité dans un groupe de Bretons qui étaient très soudés, mais moi je suis toujours resté avec les gars de mon équipe. Je les ai aidés à faire ce qui était plus dur, car je savais que j'étais plus costaud pour tenir. Mais c'est vraiment un miracle si je m'en suis sorti."

Denis Camous portait le matricule 81 209. Il était né le 6 janvier 1906. A sa mort, le 28 novembre 1944, il avait 38 ans. Jean Berthier avait le matricule 81 319. Il était né le 21 février 1911. Il est mort le 21 mars 1945 à l'âge de 34 ans, laissant une veuve et une orpheline, Dominique, âgée de cinq mois à son départ. Quant à Roger Renard, il avait le matricule 81 297. Il était né le 3 janvier 1899, il est mort le 30 mars 1945, à l'âge de 46 ans, laissant une veuve et quatre orphelines. Monsieur Berthier et Monsieur Renard ont été brisés par les privations et les mauvais traitements. Alors Monsieur Augré se retrouve seul survivant.

IV. Marche de la mort et évasion

Le terrible périple de Monsieur Augré n'est pas terminé, puisque le 11 avril les déportés partent sur les routes. Monsieur Augré se souvient :

"On a été évacués. Il y avait des morts tout le long de la route, les gars tombaient comme des mouches. On mangeait des pissenlits, on avait à peine le temps de les cueillir, il fallait marcher, marcher. Sur la route, on se tenait de l'un à l'autre et on avançait. Et toujours des morts, des morts."

Les déportés parcourent des étapes allant jusqu'à plus de 30 km sous les coups de crosse des S S qui forcent l'allure .Ils traversent des villages, à l'étape du soir ils sont enfermés dans des granges. Le ravitaillement est rare et réduit. C'est une marche hallucinante.

Monsieur Augré évoque alors sa première tentative d'évasion :

"Je voyais bien qu'on allait tous y passer, surtout que le deuxième jour il y a eu en plus un mitraillage par l'aviation alliée. J'avais donc fait une première tentative alors qu'on était couchés dans une grange. Avant le départ je me suis caché sous la paille mais des paysans sont venus, ils ont piqué la paille avec des fourches pour nous chasser. Alors quand j'ai vu ça, je suis sorti de là, j'ai été ramené à la colonne où là j'ai pris une sacrée volée à coups de grenade à main. Mais j'ai pu me faufiler parmi les autres. Je ne sais pas pourquoi je n'ai pas été fusillé."

Tout au long du récit de Monsieur Augré, on ne peut pas s'empêcher d'être fascinés non seulement par sa résistance physique hors du commun, mais aussi par son incroyable faculté d'adaptation, face à des circonstances exceptionnelles. Bien qu'il soit affaibli à l'extrême, sa force de caractère le porte. A la fin il n'avait plus rien à perdre, la vie et la mort en venaient à se confondre, mais malgré tout il avait toujours en lui cet absolu instinct de survie qui allait le conduire à effectuer une seconde tentative d'évasion. Cela s'est passé au cours de ces haltes nocturnes où les déportés étaient enfermés. Voici en quelles circonstances, comme il le détaille lui même :

"J'avais toujours l'idée de me sauver, de m'évader. Cet autre soir nous étions dans une grange qui avait un faux grenier. Je me suis hissé là-haut, j'ai enlevé des tuiles pour faire un trou et passer, car à l'arrière la terre était surélevée. J'avais proposé à des camarades bretons de me suivre, ils n'ont pas osé, de peur d'être fusillés. Moi-même longtemps j'ai hésité à sauter, longtemps je suis resté à regarder par le trou avant de sauter, puis je me suis lancé et je suis parti seul. J'ai marché dans la plaine au clair de lune, par la suite j'ai aperçu un bois de sapins avec une clairière. J'ai entendu des voix, alors j'ai grimpé dans un sapin. C'étaient des femmes allemandes qui venaient cueillir des orties pour en faire certainement de la soupe. Elles ne m'ont pas vu. Après leur départ, je suis redescendu et j'ai fouillé la clairière pour trouver quelque chose à manger. J'ai récupéré des trognons de choux pourris que j'ai mis dans mon sac. A mon retour au bois, je suis tombé sur des soldats allemands qui venaient d'arriver. Ils ont été étonnés de me trouver là et ils m'ont fait vider mon sac. Puis l'un d'eux m'a tendu une boule de pain et un autre un tube de gruyère. Ensuite ils m'ont emmené dans un village et là ils m'ont enfermé dans une cave, je n'avais pas chaud, je suis resté une journée et demie. Et c'est vraiment par hasard que des Russes sont venus me délivrer, une chance sinon je serais mort là-dedans. Les Russes m'ont donné à manger, ils m'ont donné une gamelle de conserves. J'ai trop mangé, j'ai eu une indigestion, j'ai bien failli en crever. Après ça, en me promenant dans le bourg, j'ai entendu parler français. J'ai rencontré cinq ou six gars, des prisonniers de guerre bretons originaires du village de Bubry, près de chez moi en Bretagne. Ils connaissaient un de mes cousins qui habitait là-bas. Les gars m'ont ravitaillé, j'étais heureux avec eux, car ils avaient plein de choses à manger. Après quoi j'ai été remis aux Américains, je suis parti dans un camp et de là j'ai été rapatrié en France par avion, mais il fallait laisser toutes les provisions. Les avions ramenaient des prisonniers et rechargeaient de la marchandise. A mon arrivée à Paris, j'ai été conduit à l'hôtel Lutétia (lieu d'accueil des déportés) où j'ai été bien nourri, on a eu aussi une visite médicale. Et au bout d'un jour ou deux, je me suis rendu dans le Loiret pour raconter aux familles de mes camarades de déportation ce qui était arrivé."Ce fut un choc terrible pour les familles, d'autant que Monsieur Augré était dans un tel état physique. A son retour des camps il ne pesait guère plus de trente kilos.


V. Après le camp

Monsieur Augré reprend :

"Je suis alors reparti chez moi en Bretagne, j'ai retrouvé mon père qui ne savait évidemment pas où j'étais pendant tous ces mois de captivité. Je me suis remonté un peu, mais je ne suis pas resté longtemps en Bretagne. Je suis revenu travailler dans une ferme d'Estouy."

Ainsi Monsieur Augré s'est retrouvé non loin du lieu où il avait été arrêté.
En 1947, il a épousé la jeune veuve et jeune mère de famille de son camarade de captivité, Monsieur Berthier.
Monsieur et Madame Augré ont eu quatre enfants : Jean-Michel, Marie-Blanche, Ghislain et Catherine. Courageusement ils ont repris une exploitation agricole sur la commune de Guigneville à 7 km de Pithiviers. Il leur a fallu travailler sans relâche. Pour Monsieur Augré par moments au cours de ces durs travaux, les séquelles du camp se faisaient sentir sous la forme de lancinantes douleurs dans le dos, à cause du fusil que le gardien de Neu-Stassfurt . lui avait cassé sur le dos. Avec les tortures qui lui furent infligées à Orléans, ce furent pour lui peut-être les pires moments de ce trop douloureux épisode de sa vie.
Comme il le dit lui-même, en concluant :

"Vous savez, j'ai payé pour les autres et j'ai payé le prix fort..."

Monsieur Augré est Officier de la Légion d'Honneur et Chevalier du Mérite Agricole (promotion exceptionnelle du Mérite Agricole, dans le cadre des distinctions pour résistance à l'ennemi).

Il convient également d'ajouter que la famille de Monsieur Augré a été particulièrement éprouvée. Outre un frère, mort d'une péritonite pendant son service militaire, un autre frère Pierre (né le 7 décembre 1920 à Malguenac) a connu un sort tragique pendant la guerre. Il faisait partie de la Résistance dans la région de PONTIVY (Morbihan). Il a été arrêté par les Allemands, emprisonné et après, personne n'a su ce qu'il était advenu de lui, ni en quelle circonstance il avait trouvé la mort.
Vaincu par la maladie, les soucis, les souffrances physiques et morales, Monsieur Augré nous a quittés le 4 juillet 2007.

Source: D. Percheron

 

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