Le général Marcel ALLARD
Responsable de l'Armée Secrète en Bretagne
(1884- 1966)
Le général Marcel Allard est né à Fontainebleau le 7 mars 1884, une des garnisons où son père Louis Allard avait été nommé ; Louis donc, n'était pas à proprement parler d’une famille de militaires ; il fit sa carrière dans l'armée, mais un peu par hasard, puisque la conscription à son époque se faisait par tirage au sort, et il avait tiré, comme on dit : « le mauvais numéro ». Il fit donc la guerre de 1970 et, sorti du rang, monta les échelons jusqu'au grade de commandant. Au cours de sa carrière, il servit à Fougères et à Dol-de-Bretagne. Le jeune Marcel Allard garda un très bon souvenir de ces garnisons, ce qui explique son affectation à Rennes en 1929, et le choix de Messac pour sa retraite. Dégagé des cadres en 1901, Louis mourut Le 8 mai 1902 à Dampierre sur salon (Haute-Saône). Sa femme, Marie, née Quivogne, mourut aussi à Dampierre mais un peu plus tard, puisqu'elle était présente au mariage de son fils unique en 1907 Ce ne sont pas les Allard qui ont acheté la maison de la Grève du moulin à Etables, entre Binic et Saint-Quay-Portrieux, mais les Guillerez, beaux-parents du général. Originaire de Rambervilliers dans les Vosges, Henri Guillerez était entrepreneur en ferblanterie, adjoint au maire et conseiller d'arrondissement. Il avait acheté cette maison lors de la guerre de 14. Les quatre fils de Marcel Allard y passèrent des vacances mémorables, et tous les Allard enfants et petits-enfants connaissent les joies de la pêche au lançon. La maison était dépourvue d'eau courante. Qu'à cela ne tienne : le général qui avait un vrai don de sourcier, détecta de l’eau sous le rocher qui épaule l'arrière de la maison, creusa un puits avec l'aide de ses fils et installa une pompe dans la cuisine. C’est sans doute lors de ses nombreux séjours en Bretagne à partir des années 20, que le général adopta définitivement l’épagneul breton comme son animal familier préféré. Sorti de Saint-Cyr dans les chasseurs à pied, Marcel Allard avait été muté ensuite dans l’artillerie, où il fit toute sa carrière. A 23 ans, alors sous-lieutenant en garnison à Rambervilliers, il fit la connaissance de Marguerite Guillerez, qu’il épousa en 1907. Combattant en 14-18, en particulier à Verdun et au Chemin des Dames, il y gagna quatre citations. Il fut amené à faire l’Ecole de Guerre au terme des hostilités, et en sorti major en 1921. En 1929, il était nommé à Rennes. Il eut par la suite un temps de commandement à Trèves .De 35 à 37, il commandait le 12ème Régiment d’Artillerie à Haguenau. A l’issue de son temps de commandement, il fut affecté au Centre des Hautes Etudes militaires. Le 19 juin 39, il est nommé à Strasbourg pour commander l’artillerie divisionnaire de la 43ème Division d’infanterie. Quand la guerre fut déclarée en septembre, il est toujours à ce poste, mais il est muté à la suite d’un différent avec les autorités « incompétentes » au 18éme Corps d’Armée à Laon, qu’il quittera le 1er février 40 pour commander l’Artillerie de la 18ème Division d’infanterie dans les Ardennes jusqu’au 1er juin. « Au cours des opérations délicates qui se sont déroulées du 10 au 23 mai 40, dit une nouvelle citation, a réussi à tirer le meilleur parti de son artillerie. Au cours des combats en retraite, a rallié autour de lui les éléments épars afin de continuer la résistance ». Son itinéraire alors n'est pas facile à retracer, car les évènements se précipitent et les ordres venus d’en haut se télescopent et se contredisent. Il se replie donc fin mai après la terrible offensive allemande dans les Ardennes et rejoint dans la Nièvre la 17ème D.I. Le 19 juin 1940, il était promu général de brigade à titre temporaire et le même jour il fut blessé au bras droit par un éclat de bombe italienne au pont de Cosne-sur Loire dont il organisait la défense. Evacué à Toulouse et hospitalisé le 21 juin, il ignorait qu’il était général ; son bulletin d’hospitalisation mentionne donc son grade antérieur, et sa sortie le 2 juillet sur sa demande. Entre temps, il avait été nommé à la tête de la 27e division d’infanterie, commandement qu’il ne put exercer, puisque de Toulouse, il partit à Auch, où il ne resta que quatre jours. En effet le 6 juillet, le général Weygand lui confie le poste de commandant d’armes de la place de Vichy. Il le confirmera dans son grade à titre définitif le 20 août 1940 et il est alors admis au cadre de réserve des officiers généraux, en vertu de la loi du 2 août 40. C’est alors qu’il rejoint la Bretagne, d’abord à Etables, puis à Messac, où il joua le paisible retraité. La maison qu’il vient d’acheter n’avait ni chauffage, ni eau courante. Mais elle a l’avantage de surplomber la route qui va au Bourg, le port de Messac, la gare, la Vilaine et Guipry. Vaste maison familiale, elle mérite bien son nom : « les Hautes-Folies ». Difficile de savoir comment il initia ses activités clandestines en 41 : il le fit si discrètement que certains le critiquaient, pensant qu’il aurait bien pu faire « quelque chose ». Tout au plus a-t’on retrouvé une photo de la vaillante équipe de foot qu’il créa cette année là. C’était un petit début, mais cela lui permettait de prendre des contacts. C’est en 1942 qu’il est pressenti par le général Delestraint pour faire partie de l’Armée secrète en Bretagne. C’est peut-être en vue de cette prise de fonction qu’il est nommé curieusement directeur adjoint de la Défense passive à Paris du 1er janvier au 4 décembre 42 : ce poste fictif lui donnant des raisons de voyager. En novembre, le lieutenant Louis Bourgeais, mécanicien et garagiste à Messac, qui avait déjà constitué un bon groupe de résistants, se tourne vers lui pour réclamer son aide. Ce groupe sera rattaché ultérieurement au réseau S.O.E. du colonel anglais Buckmaster. Le 30 novembre 1942, Marcel Allard est élevé au grade de Commandeur de la Légion d’honneur. Pendant l’année 43, la résistance armée vit le jour. Madeleine, sa belle-fille, arrive à Messac en juin 43, avec ses deux enfants, après avoir tenté en vain de rejoindre son mari le lieutenant Henri Allard, muté en Indochine en décembre 40. Le général est déjà entré en résistance active. Bien inséré dans les réseaux bretons déjà en place, il est entré dans l’Armée Secrète en mai 43 ; il a reçu le commandement d’une région, et il est sous les ordres du général Audibert. Multipliant ses déplacements clandestins, il continue cependant à résider aux Hautes Folies, avec son épouse Marguerite et la famille d’Henri, jusqu’au 30 novembre 43, où des sbires viennent l’arrêter mais le ratent de justesse. Le lendemain matin, ils reviennent et arrêtent Marguerite Allard et Madeleine. Commence alors pour lui la phase de clandestinité. Au printemps 44, il est muté en Normandie. Mais il sera rappelé à Rennes après la Libération, et sera nommé par de Gaulle commandant de la XIème Région Militaire. (Témoignage du 16 décembre 2013, de Florence Allard, sa petite-fille)
Dès qu’il put, c'est-à-dire après la Libération en août 44, il se lança dans des recherches pour retrouver sa femme et sa belle-fille. Il envoya des dizaines de lettres dans divers ministères, toutes les administrations, à la Croix-Rouge, et à diverses personnes qui auraient pu les côtoyer. En mars 45, il décide d’aller lui-même en Allemagne et entreprend les démarches auprès des autorités pour pouvoir quitter Rennes une semaine, il sollicite des autorisations auprès des Américains, et des Russes, qui ont déjà envahi le Mecklembourg, région d’Allemagne, proche de la Pologne et de la mer Baltique où se trouve le tristement célèbre camp de concentration de Ravensbrück. C’est en mai 45 qu’il entreprend le voyage, et va constater la pire des choses qu’on puisse imaginer : sa femme a été impitoyablement exécutée le 28 février 45. Le motif de cette sanction : elle était très maigre, très faible et ses cheveux blancs la trahissaient. Quant au camp, il n’a jamais raconté ce qu’il avait vu à la famille. Mais il fit un rapport. Madeleine heureusement, revint de cet enfer. Le général, qui avait accédé au grade de général de Division en novembre 1944, et devenu Grand Officier de la Légion d’Honneur, pris sa retraite à 62 ans en février 1946. Il mourut 20 ans après, dans le Midi, avec les honneurs militaires.
Catherine Fabre et de Florence Allard, petite-filles du général Allard
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