Albert Aubry. Un témoin et un exemple
PRÉFACE
Merci, Leguen ! Pas d'autres mots qui viennent aussi naturellement en tête de la courte préface qui m'a été demandée pour " présenter ", comme on dit, la brochure où est rappelée, depuis l'enfance commune, la formation par la vie. par le pays d'origine, par le père et la mère, par la famille, par les milieux successivement traversés, par les " aventures " bonnes et mauvaises, et surtout par lui-même, de cet instituteur breton, député de Rennes, que fut Albert Aubry.
Inoubliable ! J'ai dans la tète d'avoir lu ce terme employé à propos de lui, avant même de le retrouver dans ces quelques pages d'ami et compagnon, et il me revient à présent que j'évoque tout de suite la façon dont j'ai fait la connaissance d’Aubry, compté par moi jusqu'à sa mort récente, au nombre des êtres que j'ai le plus aimé et cru comprendre.
Non, je n'ai jamais été et ne serai, je crois, jamais près d'oublier le premier jour où je me suis trouvé en face du jeune député d'Ille-et-Vilaine qui m'a tenu le langage suivant, où à peu près :
" Citoyen Bracke, je suis, de mon métier, instituteur, appelé comme conscrit sous les drapeaux, parti en guerre en 1914, blessé, mutilé comme vous pouvez le voir, revenu maintenant pour vivre selon ma profession ; j’ai été, sinon malgré moi, du moins sans l'avoir réclamé. Porté sur une liste de gauche où des candidats d’opinions diverses, rassemblés pour aller représenter le département à la Chambre des députés, comme ayant pris part ensemble a la Défense Nationale, diraient eux-mêmes chacun leurs préférences. J'ai été élu seul de la liste. Je suis donc député, je suis socialiste, ayant adhéré au Parti S.F.I.O. avant mon appel avec' ma classe. J'ai, je dois le dire, plus milité comme syndiqué pour les intérêts de la profession et du travail ainsi que pour ceux de la laïcité que comme membre d'un Parti membre d'un mouvement international de classe. Je sais cependant qu'il y a là un devoir. Votre nom m'est connu par 1 ; t lecture des journaux, et par les dires de quelques aînés, par exemple le vieux syndiqué qu'est mon père. Vous êtes professeur, et par conséquent éducateur. Voulez-vous m' aider là me retrouver dans les difficultés, s'il y a lieu, et me guider sur la roide Oh! je deviendrai lin bon socialiste ? "
Non, cela n'est pas près (le sortir de ma mémoire. Ces paroles très simples et unies avaient tan son qui, de l'oreille, trouvaient vite leur chemin vers leur but Elles me frappaient dès lors. Elles n'ont pas cessé de frapper depuis une vieille tète accoutumée de plus en plus à voir le " nouveau ", le nouvel arrivant, regarder les générations précédentes avec des yeux qui disent un peu : " Qu'est-ce qu'ils font 1<t, ceux-là ? Il est temps de les mettre a lit coule. Nous sommes tout frais de savoir. "
Quoi qu'il en soit, ainsi nous sommes-nous, Aubry et moi, lui ?s. vingt-cinq ans, et moi à cinquante-huit. fraternellement associés dans une besogne commune : faire pour le mieux de mieux en mieux. Lui prêter des livres et des brochures, lui conseiller des lectures, le renseigner sur choses et gens de l'entourage et d'alentours plus lointains, qui n'en eût fait autant ? Mais pour questionner comme pour répondre, il y a des questions de façons et de niveaux du plein pied. J'aurais quasiment envie de dire : C'est la chanson qui fait le ton ! contrairement au proverbe. Aussi n'est-ce pas tout. Peu d'efforts faits par Aubry n'ont pas en à réagir chez moi.n ce temps-là, les députés socialistes allaient de concert, assez souvent propager, élargir l'extension de la lutte de fédérations en fédérations. "En ce temps-là " veut dire quelque chose que vous entendrez comme vous voudrez. Dans les " tournées " où j'allais avec d'autres, Aubry était du voyage. Et " voyager ensemble ", que de choses cela signifie !
Ne me dites pas : " Vous fûtes son maître ! " Vous n'aurez pas menti, à condition d'ajouter : Et que vous avez su de choses par lui Enfile Faguet a, un jour de distribution des prix, fait un discours sur l' " éducation du professeur par les élèves ". Je ne l'ai pas lu, mais le titre suffit pour savoir de quoi il retournait : D'un échange où tout le monde gagne. Quel bien tu m'as fait, cher Aubry !
Tu n'étais plus député, tu étais - tu l'avais voulu de toi-même - redevenu instituteur sur ta demande. En cette Bretagne qui t'avait repris ; en cette Indochine où tu as milité, bataillé, reçu, donné, des services et des coups, en ces prisons et camps de concentration où, après tant de traverses, tu as appris encore plus à fond à être ce que tu es devenu, les vœux de ma pensée t'ont toujours suivi, trouvé et, je crois, appelé à nue amitié NOTRE
Je n'ajoute plus rien. Ni ta chère femme, ni ton fils dont tu m'avais fait laïquement le " parrain " n'auront un mot ici au delà de ce qui. pour quiconque t'a connu, et comme qui dirait " en raccourci ", un portrait d'Albert Aubry
BRACKE (A. M.-DESROUSSEAUX).